21 novembre, 2024 6:26 am
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Comment tout a commencé…

Quand j’avais 10 ans, mon prof de CM1 qui s’appelait M. Milési —c’est le seul nom de prof de l’école primaire dont je me souvienne— a eu la bonne, la fantastique, l’initiatique idée de proposer aux élèves de faire des textes libres. Des rédactions qui ne seraient pas notées. Et surtout : ON N’ÉTAIT PAS OBLIGÉ ! Libres, vous dis-je. Juste pour le plaisir.
Sur le mur, était accrochée la liste des élèves.
Pour chaque texte écrit, M. Milési dessinait 1 point bleu à côté du nom.
3 points bleus = 1 point rouge.
3 points rouges = 1 livre que M. Milési achetait de ses propres deniers.

Liberté + plaisir + cadeau, cela ressemblait si peu à l’école, c’était irrésistible !

Je me souviens parfaitement du frisson qui m’a parcourue de la tête aux pieds —et dedans aussi—, quand j’ai posé mon stylo sur la page blanche. Un frisson d’excitation, de peur, d’aventure.
J’ai regardé en l’air, en mordillant mon bic, une idée est passée. Je l’ai attrapée.
Des mots chevauchaient l’idée. Je les ai écrits.
Un mot en appelle une autre, une idée en tire une autre. Le texte est venu tout seul.
Un deuxième, un troisième, un quatrième ont suivi.
J’avais plus de points rouges que si j’avais attrapé la rougeole. À la fin de l’année, M. Milési m’avait offert une petite bibliothèque.

Les vannes de l’écriture étaient ouvertes, j’avais trouvé le chemin du puits aux histoires. Cette source interne que je ne cesse d’explorer. Je n’ai plus jamais arrêté d’écrire.
J’ai toujours cette sensation, la même : qu’il suffit d’ouvrir quelque chose en soi, de se brancher à quelque chose en soi et autour de soi, pour que les idées viennent, coulent, affluent… Une relation magique à l’écriture ? Que nenni ! Ou plutôt, comme dirait Blaise dans Les Éveilleurs: « Rien n’est magique puisque tout est magique ! »
Ça, c’est le premier mouvement.

Ensuite, vient le second mouvement : travail. Après l’inspiration, la transpiration.
Écrire, barrer, chercher, corriger, polir, écrire, biffer, sertir, limer, poncer, creuser, écrire, lécher, couper, panser, peaufiner, écrire écrire écrire…

Vers 16 ans, j’ai commencé à écrire de petits textes, de la poésie. Pas de personnages, pas d’intrigue. Le travail des mots et la musique.
Écrire de la poésie, c’était comme écouter une musique faite de sensations, d’émotions, de pensées, et essayer de la retranscrire en mots.

J’ai passé des centaines d’heures de mon adolescence, immobile sous un arbre (très bénéfique les arbres) ou sur le toit de la maison (très vertigineux les toits), ou dans le hamac sur la véranda, à écouter dedans et à regarder dehors.
Le vent, le soleil, un oiseau qui vole, une branche qui craque, le galop d’un chien, les eucalyptus qui se balancent au-dessus du lac, le jardinier qui fauche d’un bras rythmé. Sensations.

Sous l’arbre ou sur le toit en suçotant le bic, je cherchais à traduire ces sensations en mots.
Chercher le mot le plus adéquat, voir comment il s’agence avec son voisin, provoquer les rimes, les enchaînements, le rythme, le son, la chute. Travail.
J’ai découvert que le travail des mots gonflait la liberté et m’apportait une joie qui ne tarit pas.

Pour moi, la prose ne fonctionne pas tout à fait comme la poésie.
Tout d’abord, parce qu’il y a les personnages. Les personnages sont vivants, ils ont leur vie, leur histoire, leurs envies, leurs désirs, leurs dégoûts, leurs doutes, leurs ombres. Il faut les écouter, apprendre à les connaître, les laisser grandir.
Puis, il y a l’intrigue. On ne raconte pas une histoire n’importe comment. Il faut construire. Ça, c’est l’architexture.

Ainsi, mon écriture se déploie en deux mouvements à la fois parallèles et concomitants: d’une part, les idées, les images, la création, l’imagination…. D’autre part, la construction, le tricot, la cuisine, la musique, l’architexture…
L’un ne va pas sans l’autre. Les deux composent le flow.
Comme cette balançoire où deux enfants se font face enfant. L’un monte quand l’autre descend.
Tout seul, rien ne bouge.
C’est le poids de l’un qui permet à l’autre de s’envoler.

Il y a des jours, des phases, où le puits est fécond et les idées bouillonnent. On s’envole.
D’autres où l’on pose une brique après l’autre, les bras lourds. On soupire.
Et puis, il y a des moments bénis où l’on fait les deux à la fois : transinspiration !

Je ne sais jamais, en m’asseyant à mon ordinateur le matin, si je vais être inspirée ou transpirer. Ou les deux.
Cela fait partie du jeu.
C’est mon travail, ma passion, mon plaisir, ma joie et ma liberté.

Et enfin, vient le troisième mouvement : offrir le récit aux lecteurs.
Nous en parlerons une prochaine fois 🙌

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