21 novembre, 2024 6:37 am
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L’arbre, le Chat, le Grand-père

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« Si les arbres échangent en secret sous la terre,
si les dauphins se parlent dans la mer,

si le temps voyage dans la lumière,

pourquoi je ne pourrais pas continuer à aimer mon arbre,

mon chat et mon grand-père pour toujours ? »

L’arbre, le chat, le grand-père ou « La vraie vie de Lamor » est un roman de 95 pages (Nathan, 2020). Un tout petit récit pour un si vaste thème : comment une enfant appréhende-t-elle la mort quand elle débarque dans sa vie?

Puisqu’il s’agit d’Ambre, le personnage dyslexique de « La vraie vie de l’école » (Nathan, 2018), elle le fait avec sérieux, humour, gravité, légèreté, curiosité, tendresse. Comme je l’ai vu chez les enfants autour de moi. Comme je me souviens de l’avoir ressenti, enfant.

Mes personnages, vous l’aurez compris, m’accompagnent longtemps, même quand il s’agit d’un personnage dit « secondaire ». Pour les écrire, j’ai besoin qu’ils vivent. Pour qu’ils vivent, j’ai besoin de les vivre, de passer du temps avec eux, les regarder, les écouter, les voir évoluer. Ainsi, les personnages de La vraie vie de l’école avec lesquels j’ai vécu quelques années avant que le livre paraisse en 2018, n’en avaient pas fini avec moi. La voix d’Ambre s’imposa pour écrire ce récit. Elle voulait parler de ce qu’elle avait ressenti lorsque la foudre avait zigouillé son arbre et le sida emporté son beau chat roux. Elle avait besoin d’en parler. Les enfants ont besoin de parler de la mort. Et, souvent, les adultes ne savent pas les écouter, quoi leur dire, quelles réponses apporter. Parce que nous n’avons pas de réponses à ce mystère. Seulement des questions. Je crois que les enfants peuvent comprendre que nous n’ayons pas les réponses si nous ne les laissons pas seuls avec leurs questions.

Extraits
Bon, je ne vais...

« Bon, je ne vais pas vous mentir, c’est triste. La bonne nouvelle, c’est que la tristesse ne coule pas toujours de la même façon. Et puis on peut faire des trucs pour ne pas se noyer : apprendre à nager, quoi. Je l’ai compris et je n’ai que onze ans. Alors, ça devrait aller pour vous aussi… »

Moi — Pourquoi je...

« Moi — Pourquoi je ne savais pas qu’un arbre peut mourir ?
Papi — Parce que tu n’avais jamais eu affaire à la mort avant. C’est ta première fois.
Moi — Et pas la dernière, hein, c’est ça ?
Mon grand-père a serré ma main plus fort. J’ai cueilli un gland.
Moi — Les chênes aussi vont mourir ? Et les autres arbres du jardin ?
Papi — Oui, un jour… Mais les arbres vivent très longtemps. Tu n’as pas besoin de penser à ça tout de suite.
Mais je n’arrivais plus à m’arrêter.
Moi — Mais alors, tout le monde va mourir ?
Papi — Oui.
J’ai réfléchi.
Moi — Les voisins ?
Papi — Aussi.
J’ai essayé de penser à quelque chose d’impossible.
Moi — Pas Arthur, pas mon frère, quand même ?
Grand-père a ouvert les bras. J’y suis allée.
Moi — QUOI ? Le monde entier ? LE MONDE ENTIER VA MOURIR ?
Ça faisait un drôle de vertige.
Papi — Pas le monde entier en même temps, boubele. Et, avant de mourir, il y a toute la vie…
Je l’avais presque oubliée, la vie. Le piège, quand on se concentre sur la partie inondée de l’iceberg, c’est qu’on ne voit plus celle qui est au sec. »

La tristesse, elle...

« La tristesse, elle vient d’abord comme un tsunami qui envahit tout, casse tout, emporte tout. On essaye juste de ne pas se noyer. Ensuite, elle fait des vagues. Des hautes, des petites, des violentes, des douces… Ça dépend. Là, il faut être malin pour deviner s’il faut plonger dessous ou se laisser emporter. De toute façon, il faut attendre que ça passe. Plus tard encore, elle fait comme un clafoutis clapotis de fond en permanence, avec, de temps en temps, des jaillissements. Faut se méfier : on croit qu’on est habitué, mais, tout à coup, on perd pied et on avale un gros coup de tristesse par le nez. »

J’ai choisi un arbre, je...

« J’ai choisi un arbre, je me suis assise contre lui. J’ai fermé les yeux. Noir sur noir. J’écoutais mon cœur, qui s’exerçait désespérément au courage, j’ai pensé au cœur usé de mon grand-père, aux cœurs microscopiques des fourmis, aux cœurs lointains des Chinois, à tous les cœurs du monde. Des petits points se sont allumés sous mes paupières. Même le noir dans le noir n’est pas complètement noir. Je les ai regardés clignoter. Je me suis dit que chaque étincelle était une créature, un être vivant, un membre de la famille. L’arbre derrière moi était vivant. Et par ses racines, il communiquait avec mon arbre et avec tous les arbres de la terre. On était tous ensemble dans l’ordre et le désordre du monde. J’étais liée à tout ce qui existait de plein de façons lointaines et inconnues. Et peut-être aussi à ce qui n’existait pas… »

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