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Être à la fois la barque, le pilote et les flots

D‘accord, j’ai manqué à mon engagement de tenir un journal quotidien de l’écriture des Eveilleurs. J’y ai cru à fond pendant huit jours. Avant de réaliser que je ne pouvais que tenir ce journal comme j’ai tenu tous les autres: selon le rythme intérieur. Dans un journal, on écrit parfois tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, parfois on n’écrit pas. Comme un récit, comme la vie, un journal est aussi tissé de silence, de vide conscient, de temps.
C’est une explication que j’ai déjà utilisée mais elle est sincère : je n’ai pas écrit parce que j’écrivais. Le fleuve des Eveilleurs m’a happée tout entière. J’aurais dû m’en douter. Et vous aussi 🙂
Des semaines sont passées dans les plans et les scénarii, les notes, la relecture des différents volumes. J’ai eu la sensation de piétiner, de glisser, de m’enfoncer. J’ai toujours cette sensation quand j’attaque un nouveau tome des Eveilleurs: que je m’attaque à quelque chose de plus grand que moi. C’est peut-être vrai de tout élan de création nécessaire: plus grand que nous et en nous. Je sais, aujourd’hui, que ce sont des étapes qu’il faut accepter d’égrener, elles construisent le travail. Pour ce tome 6 en particulier, il y a aussi le défi lancé par l’éditrice. Toujours intéressant d’essayer de se servir des contraintes pour gagner en liberté.
Au fil du travail, les dialogues ont surgi sur le clavier, les personnages ont colonisé les jours et les nuits. Soulagement du retour de la narration. Premier chapitre amorcé. Pour me rendre compte qu’il s’agissait plutôt du second chapitre. Pendant que je n’écrivais pas ici, j’étais comme et avec Blaise dans sa grotte: méditation, notes sur la paroi, jeûne (lui, pas moi), réflexion, structuration, dialogue éclairé avec Athéna. Je viens de passer 15 jours avec Blaise dans sa grotte pour écrire un chapitre qui sera lu en quelques minutes. J’adore ça, je trouve ça beau ! Quand le Mandarin est enfin sorti de la grotte, le récit avait retrouvé son flux, cette musique qu’il faut à la fois écouter jaillir et façonner.
J’ai initié ce blog en 2010 avec une idée en tête: prendre contact avec les lecteurs qui ne comprenaient pas pourquoi ils devaient attendre pour lire la suite de l’histoire, leur dire en quoi le temps de l’écriture et de la lecture étaient différents, les prier de prendre la lecture en patience.
Il y aura ainsi des accélérations, des piétinements, des fulgurances et des doutes. Et cette sensation frissonnante chaque matin: traverser le jardin dans le Temps Blanc, entrer dans la cabane et retrouver ce fleuve mystérieux, être à la fois la barque, le pilote et les flots. Et espérer, à travers la brume et la nuit du Temps Blanc, la promesse de lecteurs à l’horizon.
Pardon à ceux qui se sont inquiétés de mon silence. Merci de l’avoir dit, de toujours m’accompagner.

Prenez soin de vous en ce Temps Blanc, ce temps de passage !

P.A.

P.S.  Le calendrier 2007, épinglé dans la cabane pendant l’écriture du premier tome des Eveilleurs, y est toujours. Athéna endormie.

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6 commentaires

Claire 6 décembre, 2017 - 1:30 pm

Temps blanc, glacé … mais rayon de soleil de ton retour vers nous. Merci. Comme le Tardis, c’est plus grand à l’intérieur ! Quelle magie de faire entrer toute cette vie, toutes ces vies, dans quelques bouquins. Eux aussi ils sont plus grands dès qu’on les ouvre !

Sylvie Baussier 6 décembre, 2017 - 6:26 pm

Merci pour ces mots qui me donnent envie de lire par dessus ton épaule, Pauline, de retrouver Blaise et les autres, à qui toi seule peux continuer de donner vie. Je m’inquiétais pour toi, mais tu créais tout simplement (même si ce n’est jamais simple).

Isabelle Salinier 6 décembre, 2017 - 8:19 pm

J’ai relu en les savourant les quatre livres des éveilleurs ; quel délices, poésies et intelligences dans vos propos et propositions !
Cependant, je voudrais vous dire que lorsque vous écrivez « les garçons pensaient aux filles. Les filles pensaient aux garçons. Comme pour tous les adolescents du monde et de tous les temps, il n’y avait rien de plus important » je ressens beaucoup de tristesse « pour tous les garçons qui pensent aux garçons et aux filles qui pensent aux filles comme pas tous les adolescents du monde et de tous les temps » et qui risquent donc de ne pouvoir s’autoriser à entrer dans l’Alliance.
Pour s’exprimer la vie s’éprouve sous toutes ses formes et couleurs et mes conditionnements me poussent à souvent l’oublier ! Ainsi, au regard du partage d’utopie que vous nous offrez et parce que j’admire profondément vos écrits et donc l’écrivaine que vous êtes, j’ai ressenti le besoin de vous éclairer sur ce point qui me semble impensé par vous.
Voilà, je vous souhaite de poursuivre votre navigation avec sérénité, de continuer « à être à la fois la barque, le pilote et les flots » pour le plaisir que j’aurais à vous lire.

Pauline Alphen 6 décembre, 2017 - 9:36 pm

Bonjour Isabelle, merci pour vos mots. Tous vos mots. Bien que les doigts m’en brûlent à chaque commentaire reçu, j’avais dit que je ne répondrais pas à ceux du blog car le temps de l’écriture avale tout (je me rattraperai, promis). Mais ce sujet me tient trop à cœur pour que je ne réagisse pas. Vous vous méprenez et ne pouvez à partir d’une seule phrase tirer cette conclusion ni affirmer que je ne pense pas aux garçons qui aiment les garçons ou aux filles qui aiment les filles. Pardonnez ma véhémence, elle montre à quel point le sujet me touche. C’est d’ailleurs intéressant parce que, dans le volume 5 qui n’est pas encore paru et dans le 6 que je suis en train d’écrire, ce thème est présent justement. J’aborde les sujets à mesure qu’ils surgissent naturellement sous ma plume et parce qu’ils me tiennent à cœur, évidemment. Les Eveilleurs en abordent un certain nombre. Pas tous. Même les utopies ne sont pas parfaites. Ne soyez pas triste, l’Alliance est ouverte aux garçons qui pensent aux garçons et aux filles qui pensent aux filles qui sont des adolescents comme les autres et de tous les temps. J’espère sincèrement vous avoir à bord pour les récits à venir. Prenez soin de vous.

Isabelle Salinier 7 décembre, 2017 - 5:55 pm

Votre réponse me réjouit et je vous en remercie !

Emily Daubry 19 décembre, 2017 - 9:16 pm

Quel plaisir de retrouver ces petits billets. J’aime vraiment cette idée de journal d’écriture, d’autant plus que je me reconnais dans diverses étapes de ce processus d’écriture. J’aime beaucoup lire ces mots, qui illuminent mon quotidien. Je guettais avidement l’apparition d’un nouvel article sur le blog, bien que le temps du journal soit souvent capricieux. Je suppose qu’il ne sert à rien de se forcer. Au contraire, il faut laisser les mots venir naturellement.
Alors bonne continuation, et au plaisir de partager davantage.

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